Depuis ses débuts en 2015, la technologie du 360° offre aux spectateurs une expérience immersive et interactive unique, notamment dans le monde de la musique. Aujourd'hui, il existe moins d'une cinquantaine de clips musicaux dans le monde qui épousent ce nouveau format vidéo. Si certains projets utilisent cette technologie pour générer du clic, d'autres apportent une valeur ajoutée au récit musical, façonnant peut-être la révolution de demain.
La vidéo 360° est apparue en 2015. Elle est aujourd'hui en plein essor. Ce format vous propose une vision à 360°, où le hors-champ n'existe plus. Cela permet de capter un moment dans son intégralité pour faire vivre aux spectateurs une expérience immersive unique. La lecture de contenus à 360° peut se faire sur Facebook et sur Youtube et plus récemment sur Dailymotion. D'autres plateformes existent comme Wevr qui compte bien devenir le futur YouTube de la VR (Réalité Virtuelle). Si vous souhaitez rendre l'expérience encore plus immersive, vous pouvez vous doter d'un casque de réalité virtuelle. Celle-ci peut également se faire grâce à votre smartphone, votre tablette ou votre ordinateur.
📷 Casque de réalité virtuelle HTC Vive © HTC Corporation
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Les casques VR
Le premier casque de réalité virtuelle, alors baptisé "L’Épée de Damoclès", date de 1968. Il est signé par Ivan Sutherland, un ingénieur surdoué et également professeur à l'Université d'Harvard. La première application était l'observation d'un cube suspendu dans les airs.
En 1995, Forte Technologie commercialise "VFX1", le premier casque accessible au grand public pour la somme de 695 dollars. Depuis, la technologie du casque VR n'a cessé de s'améliorer.
Ce n'est qu'en 2016 que les casques VR commencent à se démocratiser. Le marché a littéralement explosé grâce (pour n'en citer que quelques-uns) à la commercialisation de l’Oculus Rift en mars 2016 (599 dollars), de l'HTC Vive en avril 2016 (799 dollars) et du Google Cardboard. Ce casque de réalité virtuelle en carton a été présenté pour la première fois au grand public lors du Google I/O 2014 à San Francisco et est accessible au prix de 20 euros.
Actuellement, il existe deux types de casques VR : ceux à destination des consoles et PC, et ceux à destination des mobiles.
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Aujourd'hui, il n'est pas rare de tomber nez à nez avec une vidéo 360° dans son fil d'actualité Facebook. Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, avait révélé, le 23 septembre 2015, une vidéo exclusive en 360° de Star Wars : Le réveil de la force afin d'annoncer l'arrivée des vidéos 360° sur le réseau social. L'internaute pouvait y explorer le désert de Jakku.
"Plus d'un million de personnes visionnent quotidiennement des vidéos 360 degrés sur Facebook" se félicitait Mark Zuckerberg, lors de la keynote de Samsung en ouverture du Mobile World Congress (MWC) de Barcelone, le 31 février 2016. Une stratégie payante pour Facebook qui souhaitait revenir "à la hauteur de Youtube".
En effet, ce service est disponible sur YouTube depuis le 12 mars 2015, sur sa chaîne "Réalité virtuelle" qui compte aujourd'hui plus de 1 800 000 abonnés.
L'engouement pour la vidéo 360° grandit, aussi bien dans le sport, que dans l'information, l'art, ou encore le jeu vidéo... Le monde de la musique n'est pas en reste. Il a vite adopté ce nouveau format. En effet, de nombreux clips musicaux en 360° ont vu le jour pour le meilleur comme pour le pire.
Le tour du clip à 360°
📷 Capture d'écran du clip "Noa Neal ‘Graffiti’ 4K 360° Music Video Clip"
Le DJ Suédois Avicii a été le premier à se lancer dans une aventure 360° en mai 2015 avec son titre "Waiting For Love". Ici, l'espace est occupé par des danseurs qui entrent et sortent par des portes disposées en cercle autour de nous. Petit à petit, les danseurs apparaissent, le spectateur est incité à se retourner dans tous les sens pour voir ce qu'il s'y passe. Il y a tellement à regarder que le spectateur est amené à choisir la scène qui l'intéresse le plus. Le spectateur a donc un rôle actif. La vidéo mérite plusieurs visionnages pour voir toute la chorégraphie. Pour ce premier clip en 360°, Avicii a su exploiter la technologie pour créer un effet visuel innovant et profiter au maximum de l'effet commercial puisque le spectateur est poussé à revoir le clip. Cependant, le contenu du clip n'est pas en lien avec la chanson. L'aspect narratif n'a pas du tout été travaillé.
La chanteuse islandaise Björk a suivi le mouvement en dévoilant, en juin 2015, son titre "Stonemilker", issu de son dernier album Vulnicura, accompagné d'un clip à 360°. Si habituellement l'artiste offre un soin particulier à ses clips musicaux, celui-ci se révèle décevant. La technologie est là mais... c'est tout ! Sur une plage de Reykjavik en Islande, Bjork nous invite à danser. On la voit se cloner jusqu'à trois fois autour de nous mais rien de plus. Sur près de sept minutes, Björk se déplace à peine. On ne profite pas du 360°.
Avec un clip un peu plus poussé, Foals avec son titre "Mountain At My Gates", sorti en juillet 2015, reprend l'idée du clonage. On y voit le groupe se dédoubler, tout autour de nous, en jouant leur morceau. Le chanteur apparaît même à cinq endroits différents simultanément !
Avec un projet un peu plus ambitieux, le projet solo de hip-hop "Welcome" de Mike Shinoda (Linkin Park) nous embarque à Los Angeles avec plein de belles promesses sur les possibilités du 360. On profite réellement de la vision à 360° pour servir une narration. Malheureusement, les plans ne durent pas assez longtemps pour profiter du décor. Le clip a été pensé comme un clip classique et non comme un clip à 360°. Résultat, avec un casque de réalité virtuelle sur les yeux, vous avez vite mal au coeur. Dommage !
Dans leur dernier album "Voyage Voyage", Pony Pony Run Run s'essaye aussi à cette technologie pour leur titre "Alright". Une immersion loufoque et déjantée dans les rues de Tokyo. On peut dire que ce clip fait voyager !
En février 2016, l'arrivée du clip "Heal Tomorrow" des Naive New Beaters avec Izïa Higelin a fait beaucoup de bruit. Ce clip a mis tout le monde d'accord ! En 360°, le groupe propose une mise en scène humoristique. Le chanteur se déplace au travers de trois décors différents (une scène, un restaurant et un plateau de tournage) disposés autour de nous. Ces trois plans-séquences ont été réunis au montage. Le clip a été pensé minutieusement jusqu'au moindre détail. À chaque visionnage, cela provoque toujours l'effet de surprise. On ne s'en lasse pas !
Cette liste de clips n'est pas exhaustive mais est représentative de l'évolution de la technologie 360. Elle donne un aperçu de ce que l'on peut trouver, aujourd'hui.
D'autres artistes adoptent le parti pris de réaliser des projets entre le clip et le live. Par exemple, le Rouennais NORD a décidé de "tourner une session à 360, à mi-chemin entre le live et le clip" avec la société de production vidéo Sourdoreille, pour son single "L'amour s'en va". Ce "clip" a été tourné dans un café normand que le chanteur Xavier Feugray affectionne tout particulièrement. Le "tournage a nécessité deux prises, une pour le live où je joue dans le fond du bar, et l’autre, la partie « mise en scène », avec les membres de Sourdoreille qui arrivent petit à petit dans le champ." explique Xavier Feugray. Ces deux plans-séquences ont été réunis au montage.
Pour Xavier Feugray avec le 360, "Au delà de la performance, ou du morceau joué, on peut imaginer plein d’autres scénarios, d’autres actions. Il n’y a plus de hors-champ ! On est un peu comme dans les romans dont vous êtes le héros, on se balade dans l’image, dans un lieu, en y découvrant des subtilités, des détails qui amènent un peu de surprise. On ne se limite plus à un seul montage, on crée son propre cheminement dans l’image."
Si la mise en scène est simple, cela reste expérimental. C'était la première captation en 360° de Sourdoreille. "On l'a fait sans budget car c'était notre premier projet en 360. Il y avait une part d'inconnu et on ne voulait pas se risquer sur un projet avec un diffuseur ou avec une marque" explique Sami Battikh, Responsable vidéo et Réalisateur à Sourdoreille.
Après cette première expérience, Sourdoreille décide de ne pas en rester là et de s'attaquer à un projet plus spectaculaire avec “Colonie 360”. Il s'agit du premier projet en 360° diffusé par Arte Concert, en son binaural spatialisé que vous pouvez retrouver ici. "La Colonie de Vacances" est la fusion de quatre groupes à l'ADN rock (Marvin, Papier Tigre, Pneu et Electric Electric). Disposés aux quatre coins de l’ancien chai à vin du Port Autonome de Rouen, les quatre groupes jouent en même temps pour un live endiablé. La technologie du 360° prend ici tout son sens car avec une caméra classique, on ne pourrait pas filmer ces onze musiciens simultanément.
Le dispositif de spatialisation du son en binaural permet au son d’évoluer en suivant les mouvements du spectateur. Pour que l'expérience soit encore plus poussée, un travail graphique de formes et de lumières a été effectué grâce à Motion Design 3D pour faire écho à la musique. Un travail semblable à celui d'un clip. "On cherchait à ce qu'il y ait une vraie pertinence et que ce projet ne soit pas seulement un gadget." explique Sami Battikh, Responsable vidéo et Réalisateur à Sourdoreille.
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Le concert à 360°
L'utilisation de la vidéo 360° ne s'arrête pas au clip dans le monde de la musique mais également à la retransmission de concert en 360 à voir en replay ou même à vivre en live streaming.
Par exemple, le Festival Coachella 2016, un des plus gros festivals américains, a décidé de proposer une expérience supplémentaire en 360° (payante) à ses festivaliers et également à ceux qui n’ont pas pu assister au Festival. Vous pouviez, malgré tout, vivre le festival depuis votre canapé grâce à l’application Coachella VR.
Pour l'occasion, en partenariat avec le Festival Coachella, YouTube a même annoncé le lancement du streaming en direct de vidéos à 360° avec son spatialisé. Une vraie révolution ! Après tout, qui n'a jamais rêvé de se téléporter ?
L'expérience 360° ne remplace pas le fait d'aller à un concert évidemment mais elle permet aux spectateurs - qui ne peuvent pas forcément se rendre sur place - de profiter d'une expérience immersive "comme si vous y étiez".
L'expérience ne séduit pas encore tout le monde pourtant ! "J'ai l'impression qu'on n'a encore rien vu en live qui justifie le 360. Si c'est pour regarder les voisins de derrière en train de regarder le concert, l'intérêt est assez minime.", d'après Sami Battikh, Responsable vidéo et Réalisateur à Sourdoreille.
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Au coeur de l'univers de "Manon"
📷 360 screenshots du court-métrage "Manon" en 360°
Devant la fenêtre, j'aperçois une ombre qui se reflète sur les carreaux. En me tournant, je me retrouve face à Manon. Elle se glisse dans son lit. La sonnerie de son portable retentit avec la musique "8-bit à mort" du groupe pop français Jil is Lucky. La sonnerie s'arrête et la musique repart de plus belle pour laisser place à "Manon".
Bienvenue au coeur de la chambre de Manon, la Lolita qui donne son nom au nouvel album de Jil is Lucky. J'ai l'impression d'être dans sa chambre. Pourtant, je ne connais pas Manon, je suis dans mon canapé avec mon casque de réalité virtuelle en train de regarder le court-métrage à 360° "Manon" du groupe Jil is Lucky.
Avant d'être un court-métrage, "Manon" est avant tout un album-concept de onze titres qui parlent de la même histoire, celle de la rencontre amoureuse de Jil Bensénior, le chanteur de Jil is Lucky, avec Manon.
Suite à l'album, Jil is Lucky a souhaité faire un court-métrage en 360° pour le résumer au travers d'une sélection d'extraits. Bien plus qu'un simple clip, le projet s'apparente à une oeuvre cinématographique de douze minutes. De tous les projets à 360°, c'est certainement celui qui a su exploiter au mieux l'expérience à 360°. Le spectateur est invité à vivre une immersion totale dans l'univers de "Manon", l’héroïne de l'histoire.
Jérôme Ghern, 34 ans, Image et Production Manager pour le label indépendant Roy Music (Label du groupe Jil is Lucky) : "L'album "Manon" était déjà dans une narration qui permettait de faire un court-métrage. Le personnage de Manon est une DJette portée sur la chiptune (NDLR musique 8-bit caractérisée par des sons synthétisés créés par ordinateur ou par la puce audio d'une console de jeu) ainsi que sur l’univers du jeu vidéo. Finalement, il y avait un lien avec l’héroïne de l’histoire et ce qui était virtuel, la musique des jeux vidéos…"
Pour découvrir l'album "Manon" en entier, vous pouvez cliquer ici.
"On voulait positionner le spectateur à la place du narrateur."
INTERVIEW - Jil Bensénior, 32 ans, est le chanteur de Jil is Lucky.
📷 Jil Bensénior / Backstage photos du court-métrage "Manon" en 360° | ©Giorgio Marafioti
Comment est née l'idée de faire un court-métrage en 360° pour votre nouvel album ?
L'idée était d'illustrer l'album par un clip, voire plusieurs, en caméra subjective. On voulait positionner l'auditeur à la place du narrateur car tout l'album est écrit à la première personne. Il se trouve qu'à ce moment-là, c'était les balbutiements de la réalité virtuelle et du 360. On s'est lancé dedans avec nos bâtons de pionniers. C'est une technologie parfaitement adaptée à un album-concept.
Pourquoi un court-métrage et pas un ou plusieurs clips de l'album en 360° ?
À l'origine, on voulait clipper tous les titres de l'album en 360. Après, on s'est dit que c'était beaucoup. On n'était pas habitué au 360 et même aujourd'hui, on ne l'est pas encore. Ce n'est pas du tout démocratisé. On a pris le parti de condenser ça dans un court-métrage illustré par plusieurs extraits de chansons. C'est un choix artistique.
C'est l'idée d'avoir une oeuvre globale. L'essentiel est dans l'album, mais en plus, on a une identité visuelle très forte par le biais de Moon Kyo Lee qui incarne Manon. Elle a une beauté contemporaine, particulière et graphique. Du coup, on a cette identité "culturale", filmographique et musicale. C'est une oeuvre globale avec du film, de la musique, de l'image et des nouvelles technologies.
📷 Jil Bensénior avec Moon Kyo Lee ©Adeline Mai
En tant que pionnier, quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées pour que ce court-métrage voie le jour ?
À l'époque, il y avait la technologie 360 mais les caméras 360° n'étaient pas encore sorties. On a été obligé de réaliser le film grâce à une boule équipée de 8 caméras GoPro pour filmer l'ensemble des scènes, chacune reliée à un iPad. Du coup, on ne pouvait pas avoir l'ensemble de l'image sur un seul moniteur. Il y a eu plein d'autres difficultés, notamment les équipes qui devaient prendre le pli du 360°, c'est-à-dire qu'avec cette technologie, il n'y a pas de hors-champ contrairement au cinéma classique. L'éclairage naturel doit être l'éclairage de la scène et cela demande un travail très différent. On a également mis l'accent sur la décoration pour que l'univers de Manon soit retranscrit de la manière la plus fidèle.
Que pensez-vous de l'utilisation de la vidéo 360° aujourd'hui dans le monde de la musique ?
Je crois que c'est bien à petite dose, d'où l'idée de faire un format court. Au niveau du matériel, le confort n'est pas assez présent pour se permettre de faire des vidéos très longues. En plus, pour un bon rendu, c'est coûteux.
Est-ce que cette expérience vous a donné l'envie de continuer à faire du 360° ?
Je pense que ça se prête particulièrement à "Manon" qui était un projet très narratif. Je ne sais pas si la suite se prêtera forcément à la réalité virtuelle.
📷 Silk Bistini, réalisateur du court-métrage "Manon" à 360°. © Lucie Augé
Silk Bistini, un réalisateur indépendant de 34 ans, s'est lancé pour la première fois dans une production à 360° avec le court-métrage "Manon" . Venant de l'image de synthèse, Silk est un habitué des nouvelles technologies. Avec six mois de préparation dans la société de production Okio-studio, Silk Bistini a pu anticiper ce court-métrage, tester la caméra et réfléchir à une mise en scène adaptée au format 360°. "On a voulu faire un condensé de l'album pour donner envie de découvrir l'album en entier, en prenant les moments clés de l'album, les moments les plus narratifs qui pouvaient raconter une histoire au travers de cinq ou six titres." explique-t-il. Pour lui, le véritable enjeu de la vidéo 360° est d'arriver à faire une nouvelle narration adaptée qui puisse justifier le format pour ne pas tomber dans "l'effet gadget" .
"Moi ça ne m'impressionne pas tellement le 360. Ça ne me suffit pas. Ce qui m'intéresse, c'est de raconter quelque chose. On n'a pas mis la technologie en avant mais l'humain."
Voici l'interview de Silk Bistini :
"Manon", une production longue et onéreuse
Selon Jérôme Ghern, 34 ans, Image et Production Manager pour le label indépendant Roy Music, "Le court-métrage a coûté quasiment 100 000 euros. Les clips traditionnels de trois minutes coûtent approximativement entre 500 euros et 100 000 euros. En sachant qu’un bon clip coûte en moyenne 20 000 euros." Pour un court-métrage de douze minutes, il est difficile de comparer le prix avec une production de clip "classique" de trois minutes.
"Une production 360° coûte environ 30% plus cher qu'une production classique.", selon Silk Bistini.
Une production à 360° nécessite du matériel spécialisé. Les caméras 360° sont des caméras avec plusieurs objectifs pour pouvoir capter tous les angles d'une même scène.
Bien que vous puissiez trouver une caméra à 299 euros comme la Ricoh Theta SC, si vous souhaitez un rendu professionnel, il va falloir mettre la main à la poche. La plus chère du marché actuel étant la 360 OZO à 60 000 euros. Des sociétés spécialisées dans la vidéo immersive proposent également de faire des vidéos 360° de qualité professionnelle, mais il faut compter entre 20 000 et 50 000 euros pour ce service. Un vrai investissement !
Omni (rig Go Pro) – © Go Pro
Pour le court-métrage "Manon", un rig Go Pro de 8 caméras Go Pro a été utilisé (voir photo ci-dessus). Ce n'est pas une caméra 360° à proprement parler mais plutôt plusieurs caméras qu'il faut ensuite rassembler grâce à un logiciel spécialisé, c'est ce qu'on appelle "un stich" (une couture entre les différents angles de caméras pour faire une seule image sphérique). C'est une étape compliquée et longue à effectuer mais aujourd'hui inutile, grâce à la nouvelle génération de caméras 360°. La post-production est donc beaucoup moins fastidieuse.
En terme de montage, un grand nombre de logiciels existent pour traiter l'image 360°. Par exemple, le court-métrage "Manon" a été monté grâce au logiciel Adobe Première. Le montage n'est pas forcément une étape plus longue que celle d'une production classique. Cependant, il y a certaines règles à respecter si l'on ne veut pas donner mal au coeur aux spectateurs.
Pour une immersion plus poussée, un son spatialisé est nécessaire pour permettre au spectateur de capter le son en fonction de ce qu'il est en train de regarder. Pour obtenir ce résultat, il faut un micro ambisonique permettant à plusieurs micros de capter le son selon les différents angles de la scène en créant plusieurs pistes.
Si le coût et la mise en place d'une production 360° peut en freiner plus d'uns, d'autres, au contraire, surfent sur le succès de cette nouvelle technologie pour leur clip afin de créer le "buzz".
La vidéo 360°, un attrape-clic !
📷 Capture d'écran du clip "Alright" de Pony Pony Run Run
La vidéo 360° est aussi un moyen d'attirer l'attention des médias et de pousser les auditeurs à regarder le clip en faisant appel à leur curiosité.
Pour le projet du court-métrage "Manon" de Jil is Lucky par exemple, "il y a avait aussi un intérêt en terme de marketing et de com’. Il y a tellement de projets qui sortent aujourd’hui, c'est très difficile si tu ne t’appelles pas Beyoncé de faire parler de toi au moment où ton disque sort. Nous on espérait, en proposant ce court-métrage en 360° qui était une première en France, susciter la curiosité des médias pour faire parler de la sortie du disque et de Jil is Lucky et faire vivre le projet. Cela a fonctionné !" confie Jérôme Ghern, Image et Production Manager pour le label indépendant Roy Music.
Au-delà d'un simple coup de communication, ce type de vidéo incite aux clics. Si on compare le taux de clics de certains clips en 360° qui existent notamment en version 2D, le constat est sans appel !
Pour le clip "Alright" de Pony Pony Run Run en 2D, il y a plus de 27 000 vues contre près de 180 000 vues pour la version en 360. Plus significatif encore, le titre "Mountain At My Gates" de Foals comptabilise 450 000 vues contre plus de 10 millions de vues pour sa version en 360°. Le même constat pour le clip "Stonemilker" de Björk avec plus de 4 millions de vues pour sa version 360 et seulement 26 000 vues pour sa version 2D.
Que l'on soit déjà célèbre ou en manque de visibilité, c'est vrai que ces chiffres donnent envie de s'y mettre, au 360 ! Mais qu'on ne s'y trompe pas, si le phénomène est nouveau et que l'enthousiasme des utilisateurs pour ce format est réel, le nombre de clips en 360° va certainement se multiplier sur le long terme. Alors, c'est la qualité qui va primer.
Aujourd'hui, aucun chiffre ne nous permet de connaître exactement le nombre de clips en 360° et l'ampleur de cette nouvelle technologie, mais cela reste embryonnaire. L'intérêt de la réalité virtuelle est pourtant là. Les utilisateurs de VR sont de plus en plus nombreux dans le monde. Selon eMarketer, ils sont 43 millions aujourd'hui à avoir adopté la réalité virtuelle dans leur quotidien contre 0,2 millions en 2014. Selon les prévisions de eMarketer, ce chiffre pourrait atteindre 171 millions en 2018.
Le 360, la révolution de demain ?
Si le 360° révolutionne la vidéo et la narration musicale, son avenir dans le clip reste incertain. Au vu de la jeunesse de cette technologie, personne ne peut avoir le recul nécessaire pour savoir si ce format a réellement de l'avenir. Toutefois, il est certain qu'il y a encore beaucoup de choses à faire et que ce format a sa place dans la production musicale, comme nous l'explique Sami Battikh, Responsable vidéo et Réalisateur à Sourdoreille, ici.
Pour Jérôme Ghern, Image et Production Manager pour le label indépendant Roy Music, "La vidéo 360 ne représente pas du tout l’avenir de la musique." , avant d'ajouter : "Je n'irai pas jusqu’à dire que c’est un gadget mais comme elle vient d’être inventée, on en profite, on joue là-dessus. Par exemple, à l’époque, quand le film de Walt Disney "Fantasia" est sorti en 1936 en quadriphonie, tout le monde disait que la stéréo c’était fini et qu'on allait désormais écouter la musique sur quatre enceintes. Aujourd'hui, presque 100 ans plus tard, on est toujours en stéréo. Je pense que la VR c’est pareil. C’est rigolo mais je pense que la VR va surtout se développer dans le cinéma ou dans les jeux vidéos. Ce qui se passe actuellement avec le streaming et la manière de consommer sur Apple music, Spotify ou Deezer est beaucoup plus annonciateur de ce qu’il va se passer en musique que la VR.".
Pour le chanteur de Jil is Lucky, Jil Bensénior, le constat est le même : "L'avenir du 360, ça sera le jeu vidéo ou pour l'application pratique (la médecine, l'immobilier...). Il va y avoir de multiples applications. Après, pour la musique je ne pense pas. Au vu des technologies actuelles, on est loin d'avoir un confort suffisant pour un long-métrage, par exemple. Après ça va très vite, tout le monde investit à coups de milliards dans la réalité virtuelle. À mon avis, dans quelques années, cela n'aura plus rien à voir.".
En effet, dans quelques années, la technologie 360 n'aura certainement rien à voir avec aujourd'hui. Selon l'IDATE, l'Institut spécialisé dans le suivi des marchés des secteurs télécoms, Internet et médias, il va surtout falloir inventer de nouvelles formes de narration pour espérer convaincre le spectateur de l'expérience en 360°, tout en maintenant le défi technologique de la vidéo 360°. Il faut repenser, selon eux, les modes d'interactions, poursuivre le développement des technologies de tracking, et mettre en place des dispositifs pour avoir plusieurs angles de vue. Il est aussi nécessaire de confirmer la complémentarité entre la VR mobile, qui devrait selon toute vraisemblance se développer plus rapidement, et la VR sur terminal fixe qui promet des expériences plus spectaculaires.
Si l'offre de casques VR reste à stabiliser, il faut s'attendre à voir se développer deux marchés oligopolistiques, et ainsi viser la convergence des technologies. L'accessoirisation reste toutefois à faire accepter au grand public en faveur de l'expérience utilisateur. Cela peut être un facteur d'exclusion, mais les solutions accessoirisées sont aussi les plus concluantes.
Pour démocratiser la vidéo 360°, il faudra également la rendre accessible au grand public, rendre le tournage en 360 moins coûteux et faciliter la post-production. Pour finir, il faudra, cela va sans dire, accueillir les nouveaux entrants sur le marché.
Si la technologie du 360° est pleine de belles promesses, le chemin est encore long à parcourir. Elle doit faire ses preuves.
Affaire à suivre... !